Dans les pays hispanophones, les montagnes russes sont appelées montaña rusa, ou «montagne russe». C’est un nom étrange, aux origines nébuleuses, mais qui reflète ce que c’était la fabrication du vin au Chili au cours des sept dernières années.

Malgré la renommée du Chili pour son climat prévisible et favorable à la vigne, les millésimes comme 2010, 2011 et 2013 ont été bien plus froids que la normale. En 2012, les températures étaient extrêmement chaudes. Puis vint 2014, qui a vu des gelées printanières brutales qui ont décimé les rendements. Et alors que 2015 est revenu à la «normale», c'est-à-dire qu'il a été principalement ensoleillé, chaud et sec, le millésime 2016 a été un cauchemar pluvieux et provoqué par El Niño pour une grande partie du pays.

Incapables de lutter contre Mère Nature et des années de courants chauds dans l’océan Pacifique (conditions El Niño), les vignerons chiliens adoptent les montées et les descentes abruptes de leur nouvelle réalité. Ils découvrent que les conditions fraîches ne sont pas nécessairement une malédiction et que le temps chaud n’est peut-être pas idéal.

Surtout, ils comprennent que les jours des millésimes qui se reflètent le plus souvent d'une année à l'autre sont probablement révolus.

Voici un aperçu des récoltes de cette décennie au Chili, avec les commentaires des vignerons et des recommandations sur ce qu'il faut boire des millésimes 2010–2015.

Photo par Meg Baggott

2010 | Un changement rafraîchissant

Dans la foulée de trois années chaudes et sèches, dont la plus intense a été 2009, les vignerons se sont réjouis des conditions fraîches de 2010. «Enfin, une année où je n'aurais pas cuisiné de fruits», déclare Marco Puyo, chef de San Pedro vigneron, de ses premières impressions. Le domaine viticole historique, dont le siège est à Molina, dans la vallée de Curicó, possède des propriétés dans huit régions chiliennes.

Selon les rapports de l'industrie, la récolte 2010 a eu lieu environ 10 jours plus tard que la normale, soit de la mi à la fin mars pour le Chardonnay et le Sauvignon Blanc, et bien en avril pour les raisins rouges. Les rendements étaient faibles en raison de températures anormalement fraîches pendant la floraison printanière, ce qui a contribué à la qualité. En outre, le tremblement de terre massif qui a frappé une grande partie du sud et du centre du Chili le 27 février a entraîné des retards supplémentaires dans la cueillette.

Pour Rafael Urrejola, vigneron à Undurraga, situé dans la vallée de Maipo, les faibles rendements et le temps frais prolongé de 2010 ont été une aubaine.

«J'étais déjà d'humeur à faire du Cabernet Sauvignon frais, plus acide et plus vertical», dit-il. «Il n'y avait donc pas de soucis. En fait, j'étais confiant à l'approche de cette récolte qu'il pourrait s'agir d'un millésime spécial pour le style que je recherchais.

Cristóbal Undurraga de Koyle, dans la section Los Lingues de la vallée de Colchagua, est d'accord. «[Ce fut] une excellente année pour les faibles rendements et les vins frais.»

Vins recommandés

Casas del Toqui 2010 Leyenda (Vallée de Cachapoal) 85 $, 93 points. Dirigé par le Cabernet Sauvignon, cet assemblage a une bouche fraîche ainsi qu'un coussin. Des saveurs de baies et de cerises se terminent par des accents de chêne, d'épices à pâtisserie et d'herbes. À boire jusqu'en 2022. Winery Direct. Le choix des éditeurs.

Maquis 2010 Viola (Vallée de Colchagua) 55 $, 93 points. Cet assemblage carmenère-cabernet franc présente des arômes de cerise, de cassis, de chocolat et d'épices aux herbes. La bouche est intense, avec des tanins fermes. Les saveurs de fruits noirs sont poivrées et chocolatées. À boire jusqu'en 2022. Importateurs de vignobles. Le choix des éditeurs.

Photo par Meg Baggott

2011 | Cool, mais mûr

Le millésime 2011 a été plus froid que l'année précédente, mais une récolte prolongée dans des conditions sèches en a fait «l'une des meilleures années en termes de qualité», explique Undurraga. «Le mois de mars a été très frais, ce qui a donné de beaux tanins, de la maturité et de la fraîcheur. C’est l’une de mes années préférées. »

«Moins radical que 2010», c'est ainsi qu'Urrejola décrit le millésime. «Mais c'était excellent, avec plus de poids et de structure que 2010. Je pense que cela s'inscrit parfaitement entre 2010 et 2012 beaucoup plus mûrs.»

«Ce fut une belle année, surtout dans le sud», raconte Arnaud Hereu, vigneron chez Odfjell Vineyards. Basée à Maipo, Odfjell a été pionnière dans la récupération des vieux vignobles du quartier Cauquenes de la vallée du Maule.

«Nous ne cherchons pas à faire des vins généreux à Odfjell, du moins en termes de taux d'alcool élevé et de concentration énorme», dit Hereu. 'Donc, pour moi, un millésime comme celui-ci était parfait.'

Il y avait en effet de nombreux excellents vins rouges et blancs 2011. Et tandis que les blancs sont maintenant dépassés, les rouges entrent dans leurs années de gloire.

«Ce fut l'année la plus cool dont je me souvienne», déclare Rodrigo Zamorano, vigneron de Caliterra à Colchagua. «Mais physiologiquement, les raisins étaient beaux. La récolte n'a été retardée que d'environ cinq jours. Pour des vins frais et élégants, ce fut l'une de nos meilleures années.

Les petits vignobles du Chili sont en train de l'écraser

Vins recommandés

Santa Rita 2011 Casa Real Cabernet Sauvignon (Maipo Valley) 85 $, 93 points. Les arômes de cèdre, d'épices et de petits fruits sont élégants. Ce cabernet éternellement superbe est concentré et équilibré, avec des saveurs de groseille rouge épicée et de baies de bruyère. À boire jusqu'en 2026. Palm Bay International. Le choix des éditeurs.

Undurraga 2011 Altazor (Maipo Valley) 50 $, 92 points. Cet assemblage légèrement herbacé de Carmenère et de Carignan offre des arômes de tabac, de racine de réglisse et d'anis. Serré et frais au toucher, mais avec rembourrage. Des saveurs de baies terreuses, de hoja santa et de tabac se terminent par une note de graphite. À boire jusqu'en 2023. Maritime Wine Trading Collective.

Photo par Meg Baggott

2012 | Chaleureux et généreux

Le millésime 2012 est le résultat de l'année la plus chaude du Chili depuis 2009. Les régions de la vallée centrale, de l'Aconcagua au Maule, ont produit des vins très mûrs et charnus. Les vins côtiers, qui ont normalement une acidité plus élevée et peuvent avoir du mal à sentir et à goûter mûrs, étaient plus généreux que d'habitude.

«Je préfère 2010 et 2011, mais nos meilleures notes pour notre cabernet Terroir Hunter étaient pour le 2012», déclare Urrejola. «Avec l'expérience récente de 2009, nous savions à quoi pouvait aboutir un millésime chaleureux. Nous avons cueilli trois semaines plus tôt qu'en 2011 et nous avons toujours ce palais charnu que beaucoup de gens attendent du Chili.»

Même les vins côtiers provenant d'endroits comme Casablanca, Leyda, Limarí, San Antonio et Casablanca affichent plus de rondeur et de caractère fruité que la normale.

«Des palais plus larges, plus généreux, mais joliment équilibrés si vous avez cueilli au bon moment», voilà comment Urrejola décrit les meilleurs vins côtiers du Chili en 2012, soulignant que la Syrah était excellente.

Vins recommandés

Montes 2012 Alpha M (vallée de Colchagua) 90 $, 93 points. Des arômes de terre, de cola, de feuilles sèches, de cerise noire et de cassis annoncent cet assemblage saturé de cabernet. Les saveurs sombres et grillées de mûre sont accompagnées de notes de vanille, d'herbes et de tabac. À boire jusqu'en 2024. Guarachi Wine Partners. Sélection de cave.

Luis Felipe Edwards 2012 LFE900 Single Vineyard Blend (Colchagua Valley) 35 $, 93 points. Cet assemblage Syrah-Carmenère présente des arômes haussiers de fruits noirs. Les saveurs de mûre, de cerise noire et de pain grillé noirci se terminent dans une obscurité fumée. À boire jusqu'en 2025. Domaine Select Wine & Spirits. Le choix des éditeurs.

Photo par Meg Baggott

2013 | Frais et sec

Ce millésime a été presque aussi froid qu'en 2011, surtout en fin de saison de végétation, ce qui a entraîné une récolte prolongée.

Selon Urrejola, «il y a de beaux vins des régions traditionnellement chaudes» comme Colchagua et Maipo. «Les mois de janvier et février chauds, suivis de mars et avril frais et secs sont parfaits pour le cabernet [et un peu de carmenère], car il n'y a pas de saveurs cuites ou d'acidité perdue.

«Avec un temps frais, il pleut moins, et ce fut une année très sèche», explique Rodrigo Soto, chef vigneron chez Veramonte à Casablanca.

«Je me souviens de nuits vraiment fraîches qui permettaient des couleurs vives dans les vins rouges et une intensité des arômes de fruits au nez», explique Luca Hodgkinson, l'ancien vigneron de François Lurton, à Lolol, dans l'ouest de Colchagua. Il est maintenant en charge de la vinification chez Wildmakers, une boutique.

Vins recommandés

Koyle 2013 Royale Carmenère (Vallée de Colchagua) 26 $, 91 points. Les arômes épicés de fruits noirs incluent des notes de bois de baumier. C'est profond et en couches, mais pas lourd. Saveurs de chêne chocolaté, de grains de poivre et de mûre avec une riche portion de moka et de café. À boire jusqu'en 2020. Vins Quintessentiels.

San Pedro 2013 1865 Cabernet Sauvignon-Syrah édition limitée (Vallée de Cachapoal) 30 $, 91 points. Des arômes d'herbes italiennes, d'eucalyptus et de fruits noirs ouvrent ce mélange structuré de cabernet-syrah, tandis que des saveurs de prune, de baies et de chocolat se terminent à base de plantes et de viande. À boire jusqu'en 2020. Shaw-Ross International Importers.

Photo par Meg Baggott

2014 | Décimé par le gel

Le printemps 2014 restera dans les mémoires pour des gelées sans précédent qui ont pratiquement anéanti les vignobles de nombreuses régions du Chili, en particulier la vallée de Casablanca.

«Ce fut la pire période de gel jamais enregistrée au Chili, et Casablanca a été la plus durement touchée», déclare Grant Phelps, vigneron chez Casas del Bosque à Casablanca. «Aucun niveau de protection contre le gel n'a épargné personne. Le pinot noir et le chardonnay ont eu le pire. Le sauvignon blanc n’avait pas encore cassé les têtes, mais les gelées étaient si violentes qu’elles ont endommagé les bourgeons, même s’il n’y avait pas de tissu vert exposé à ce moment-là. »

Les vignobles de Koyle d'Undurraga, cependant, n'ont pas subi de dommages dus au froid. «Après avoir traversé les gelées, c'était un grand millésime», dit-il. «À l'intérieur des terres, nous avons eu une belle récolte qui s'est terminée plusieurs semaines plus tôt en raison des faibles rendements.»

Vins recommandés

Famille Kingston 2014 Lucero Syrah (Casablanca Valley) 20 $, 91 points. Les arômes de fruits noirs mûrs sont épicés et un peu lactiques de chêne. Par conséquent, la bouche est ample et crémeuse, avec une coupe acide. Les saveurs de mûre, d'épices à base de plantes et de chêne grillé se terminent avec facilité. Vignobles de la famille Kingston.

Carmen 2014 Gran Reserva Carmenère (Vallée de Colchagua) 15 $, 90 points. Les arômes de baies, d'épices, d'herbes et de chêne sont invitants. Des saveurs de mûre, d'herbes mélangées et de chocolat noir sont intégrées tout au long de la finale. Domaines de la famille Trinchero. Meilleur achat.

Photo par Meg Baggott

2015 | Selon les règles

Le mot sur 2015 est qu'il s'agissait plutôt d'un millésime chilien classique, ce qui signifie chaud, sec et simple.

'Je suis en train de mélanger nos meilleurs rouges, donc je ne sais pas comment ils apparaîtront dans deux ans', déclare Urrejola. «Mais ils ont l'air bien, en particulier les vins de Cauquenes dans le Maule. Les vins de Maipo seront plus mûrs que 2011 et 2013, mais moins [mûrs] que 2012. Les vins côtiers sont vraiment beaux. »

N'ayant pas encore goûté aux grands rouges chiliens de 2015, je recommande les Sauvignon Blancs, qui présentent des caractéristiques variétales classiques, notamment la vivacité globale, des arômes percutants et des saveurs d'agrumes racés.

À des fins de comparaison, Phelps dit avoir récolté du sauvignon blanc pour Casas del Bosque en 2015 à partir du 23 mars, alors qu'en 2013, c'était le 8 avril et le 8 mars 2012.

Vins recommandés

Leyda 2015 Single Vineyard Garuma Sauvignon Blanc (Leyda Valley) 18 $, 90 points. Les arômes d'agrumes saumâtres sont piquants. Une bouche vive contient des saveurs de citron vert et de pomme verte. Groupe MundoVino-The Winebow.

Errazuriz 2015 Sauvignon Blanc (Aconcagua Costa) 22 $, 90 points. Les arômes d'herbe, d'oignon vert, d'ail bébé et de citron vert reflètent les origines fraîches de la côte. La bouche juteuse est minérale, tandis que les saveurs d'ortie, de citron vert, de fruit de la passion et d'oignon vert se terminent par un soupçon. Vintus LLC.

2016 | Difficile et humide

Quelques vignerons disent aimer 2016, mais ce fut une année importante d'El Niño qui a livré beaucoup de pluie tout au long de la saison de croissance et deux tempêtes massives en avril.

Soto de Veramonte explique l’effet du temps: «El Niño rend l’océan Pacifique plus chaud, en particulier près de la côte. Cela se traduit par de la pluie et des températures nocturnes plus élevées, ce qui rend les vignes plus actives. Ainsi, vous obtenez une maturité précoce sans le sucre requis.

«Un millésime époustouflant», c'est ainsi que Phelps décrit 2016.

«À Casablanca, nous avons connu des conditions de croissance extrêmement froides au printemps et en été», dit-il. «La grande différence par rapport aux autres millésimes frais était le brouillard épais du matin tout au long des mois de février et mars.

«Pendant plusieurs jours, c'était tellement dense que j'ai dû conduire pour travailler avec mes essuie-glaces en marche. Cette maturation a retardé, mais les producteurs qui n’ont pas fait de sur-cultures ont quand même produit un excellent sauvignon blanc et du bon pinot noir. Le chardonnay et la syrah ont été les plus touchés.

Et puis les choses ont empiré.

«L'ensemble du pays, à l'exception de Maule et Itata dans le sud et de Limarí et Elqui dans le nord, a été frappé par quatre jours de fortes pluies à la mi-avril», explique Phelps. «Cela s'est accompagné de températures exceptionnellement chaudes qui ont transformé une grande partie du pays en une fête de la pourriture.

«Les vignobles qui ont eu la chance de survivre au premier épisode de pluies de mousson ont été à peu près anéantis par la tempête suivante seulement cinq jours plus tard», dit-il. «C’était la plus grande pluie que j’ai vue pendant la récolte en 16 ans au Chili.»